O you the deep soul! O you the holy lyre!
Do you remember the times of delight and delirium,
and the triumphant games,
and the evening falling from the hills nearby?
Do you remember those days? Do you remember the oak trees
and the little children?
And do you remember the friends, and the table,
and the respectable father's bursts of laughter,
and our quarreling shouts,
the meadow, the pond, the boat, and the moon, and the breeze,
and the songs that came from your heart, Louise,
while waiting for tears!
The garden had flowers and no marble stones.
Oh, how handsome he was, the old man, under the trees!
I see him sometimes
at dawn sitting down on a bench with a book;
I feel, I hear the shade around him living
and singing in the woods!
He would read, then sleep at the kiss of the dawn;
and I watched him sleep, even calmer
than this peaceful spot,
with his serene forehead where a flame rose,
his book open to the sun, and his soul
open to God!
And from the depths of their nest, under the elm and maple,
the birds admired his venerable head,
and the merry trembling singers
came closer in the shade and wished
to add to the softness of the dark nest
with one of his white hairs!
Then he would wake up, going toward the gate,
and would stop to talk to my little girl,
and those times are gone!
The old man and the child chatted of a thousand things...
You did not see those two beings, O roses,
when you bloomed again!
Have you really the heart, O roses, to be reborn
in the same grove, under the same window?
Where are they, those pure brows?
Were they not your siblings, those two lost souls
that lived, and were so quickly lost
in the eternal blue?
Is it because their smile or their words,
O roses, did not make your petals rejoice
in the silent air,
and did not add to your chaste delights,
and did not become perfumes in your chalices
and rays in your skies?
Ungrateful! You have no regrets or memory.
You rejoice in all your glory;
you have not paled at all.
Oh, I am just a man and a reed that bends,
but I would not, as for me, want a joy
made of so much forgetfulness!
Oh, what has fate done with all this dream?
Where has it thrown the humble heart that rose,
warming the hearth,
O Louise, and the virgin, and the prosperous old man,
and all those deep wishes, mine for your father,
yours for my child?
Where are they, the friends from that time that I love?
Those who have taken on shadow and those who have not yet
fallen into the limitless waves;
those, the vanished, claimed by another sky,
and you, those left behind, who live in my soul,
but not more than the dead!
Sometimes I used to see from the hill,
my four children playing, a picture that nothing erases!
And I would hear their songs;
touched, I contemplated those dawns of myself
that were rising down there in the utter gentleness
of valleys and fields!
They ran and called to each other in the flowers; and the women
joined in their games like fair souls;
and you laughed, Armand!
And in the dark wedding that consumes itself endlessly,
nature felt that what comes from humans
is divine and charming.
Where are they? Mother, brother, each one sinks in turn.
I bleed and you bleed. Same grief! Same shadow!
O days that ebbed too soon!
They are going to marry; send for a priest;
let him come back! They're dead. And in the time they took to appear,
now they have disappeared!
We all live leaning over a sad ocean.
The wave is dark. Then who survives? Then who exists?
This heavy sound is the knell.
Each white-cap is a soul; and all flees away. Nothing shines.
A sob says, "My father!" a sob says, "My daughter!"
A sob says, "Alas!"
--Victor Hugo (1802-1885). This poem was published in 1856. It is addressed to his friend, the musician Louise Bertin (1805-1877). She had lost her father, a good friend of Hugo's, and he had lost his beloved daughter Léopoldine when she drowned in the Seine six months after her marriage, in 1843. Léopoldine was 19; her young husband died trying to save her.
A mademoiselle Louise B.
Ô vous l'âme profonde ! ô vous la sainte lyre !
Vous souvient-il des temps d'extase et de délire,
Et des jeux triomphants,
Et du soir qui tombait des collines prochaines ?
Vous souvient-il des jours ? Vous souvient-il des chênes
Et des petits enfants ?
Et vous rappelez-vous les amis, et la table,
Et le rire éclatant du père respectable,
Et nos cris querelleurs,
Le pré, l'étang, la barque, et la lune, et la brise,
Et les chants qui sortaient de votre coeur, Louise,
En attendant les pleurs !
Le parc avait des fleurs et n'avait pas de marbres.
Oh ! comme il était beau, le vieillard, sous les arbres !
Je le voyais parfois
Dès l'aube sur un banc s'asseoir tenant un livre ;
Je sentais, j'entendais l'ombre autour de lui vivre
Et chanter dans les bois !
Il lisait, puis dormait au baiser de l'aurore ;
Et je le regardais dormir, plus calme encore
Que ce paisible lieu,
Avec son front serein d'où sortait une flamme,
Son livre ouvert devant le soleil, et son âme
Ouverte devant Dieu !
Et du fond de leur nid, sous l'orme et sous l'érable,
Les oiseaux admiraient sa tête vénérable,
Et, gais chanteurs tremblants,
Ils guettaient, s'approchaient et souhaitaient dans l'ombre
D'avoir, pour augmenter la douceur du nid sombre,
Un de ses cheveux blancs !
Puis il se réveillait, s'en allait vers la grille,
S'arrêtait pour parler à ma petite fille,
Et ces temps sont passés !
Le vieillard et l'enfant jasaient de mille choses...
Vous ne voyiez donc pas ces deux êtres, ô roses,
Que vous refleurissez !
Avez-vous bien le coeur, ô roses, de renaître
Dans le même bosquet, sous la même fenêtre ?
Où sont-ils, ces fronts purs ?
N'étaient-ce pas vos soeurs, ces deux âmes perdues
Qui vivaient, et se sont si vite confondues
Aux éternels azurs ?
Est-ce que leur sourire, est-ce que leurs paroles,
Ô roses, n'allaient pas réjouir vos corolles
Dans l'air silencieux,
Et ne s'ajoutaient pas à vos chastes délices,
Et ne devenaient pas parfums dans vos calices,
Et rayons dans vos cieux ?
Ingrates ! vous n'avez ni regrets, ni mémoire.
Vous vous réjouissez dans toute votre gloire ;
Vous n'avez point pâli.
Ah ! je ne suis qu'un homme et qu'un roseau qui ploie,
Mais je ne voudrais pas, quant à moi, d'une joie
Faite de tant d'oubli !
Oh ! qu'est-ce que le sort a fait de tout ce rêve ?
Où donc a-t-il jeté l'humble coeur qui s'élève,
Le foyer réchauffant,
Ô Louise, et la vierge, et le vieillard prospère,
Et tous ces voeux profonds, de moi pour votre père,
De vous pour mon enfant ?
Où sont-ils, les amis de ce temps que j'adore ?
Ceux qu'a pris l'ombre et ceux qui ne sont pas encore
Tombés aux flots sans bords ;
Eux, les évanouis, qu'un autre ciel réclame,
Et vous, les demeurés, qui vivez dans mon âme,
Mais pas plus que les morts !
Quelquefois je voyais, de la colline en face,
Mes quatre enfants jouer, tableau que rien n'efface !
Et j'entendais leurs chants ;
Ému, je contemplais ces aubes de moi-même
Qui se levaient là-bas dans la douceur suprême
Des vallons et des champs !
Ils couraient, s'appelaient dans les fleurs ; et les femmes
Se mêlaient à leurs jeux comme de blanches âmes ;
Et tu riais, Armand !
Et, dans l'hymen obscur qui sans fin se consomme,
La nature sentait que ce qui sort de l'homme
Est divin et charmant.
Où sont-ils ? Mère, frère, à son tour chacun sombre.
Je saigne et vous saignez. Mêmes douleurs ! même ombre !
Ô jours trop tôt décrus !
Ils vont se marier ; faites venir un prêtre ;
Qu'il revienne ! ils sont morts. Et, le temps d'apparaître,
Les voilà disparus !
Nous vivons tous penchés sur un océan triste.
L'onde est sombre. Qui donc survit ? qui donc existe ?
Ce bruit sourd, c'est le glas.
Chaque flot est une âme ; et tout fuit. Rien ne brille.
Un sanglot dit : Mon père ! un sanglot dit : Ma fille !
Un sanglot dit : Hélas !